
Sous la dynastie Han, un décret impérial interdit l’utilisation de certaines couleurs pour les bâtiments des particuliers, réservant notamment le rouge et l’or aux palais et aux sanctuaires. Malgré ces restrictions officielles, des tuiles émaillées bleues apparaissent sur les toitures de familles influentes, puis se diffusent dans les régions du Sud.
Cette persistance du bleu, associée à la longévité et à la vertu dans les croyances locales, contraste avec les usages en Annam et en Corée, où la hiérarchie des couleurs suit d’autres logiques. La survivance de tels choix chromatiques traduit des rapports complexes entre pouvoir, tradition et identité régionale.
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Des toits bleus sous la dynastie Han : un paysage commun en Chine, Annam et Corée
La dynastie Han façonne un horizon architectural où les tuiles bleues s’imposent, du nord au sud du territoire chinois. Ces toitures émaillées, d’une teinte profonde, recouvrent les palais, les résidences officielles et parfois les maisons de notables. Le bleu ne se limite pas à la Chine : il s’étend jusqu’en Annam et en Corée, terres alors modelées par l’influence culturelle chinoise. La période Han ne se contente pas d’établir des règles : elle sème des codes, des techniques, des ambitions qui voyagent le long de la route de la soie et du canal impérial.
Dans les grandes villes du nord, telles que Chang’an, les avenues sont bordées de demeures coiffées de tuiles bleues, rappel direct du palais impérial où réside l’empereur, fils du ciel. Choisir cette couleur, c’est inscrire la puissance de l’État dans la matière même du bâti. Les palais Han deviennent des références pour l’architecture des villes d’Annam et de Corée, qui s’en inspirent tout en adaptant les formes et matériaux selon leurs propres réalités.
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Le bleu ne se propage pas seulement comme un caprice esthétique ou une injonction politique. Son essor accompagne l’essor urbain : l’empire s’étend, de nouvelles villes surgissent, et la toiture bleue devient le signe distinctif d’un pouvoir central affirmé. Les écrits anciens montrent que cette couleur, associée à la longévité et à la prospérité, s’inscrit dans une vision cosmique : le bleu, couleur du ciel, opère un lien symbolique entre le palais et l’ordre céleste.
La Fête des Lanternes, héritage de la dynastie Han célébré à la première pleine lune de l’année, donne une dimension lumineuse à ce décor. Partagée de la Chine à la Corée en passant par l’Annam, elle révèle une unité culturelle et offre, le temps d’une nuit, une scène spectaculaire aux toitures bleues baignées de clarté.
Pourquoi le bleu ? Entre symbolisme, croyances et choix esthétiques
Sur les toits chinois, le bleu ne s’invite jamais au hasard. Il s’inscrit dans un univers de symboles et de croyances transmis de génération en génération. Sous la dynastie Han, ce bleu devient la couleur du ciel, associée à l’ordre cosmique, à la protection divine et à la légitimité du souverain. Il orne palais et sanctuaires, en écho direct au statut de l’empereur, fils du ciel : la voûte céleste se reflète sur les toitures, légitimant le règne terrestre.
Le taoïsme et le bouddhisme renforcent encore cet ancrage spirituel. Les rites de la Fête des Lanternes, lanternes allumées pour honorer les divinités, prier pour l’harmonie, témoignent de la place centrale des couleurs dans le culte des ancêtres. Un empereur institue l’allumage de lanternes pour le dieu Taiyi, un autre l’associe à la célébration du Bouddha. Le bleu, omniprésent, relie ces gestes rituels à une aspiration partagée à la paix et à la longévité.
Sur le plan visuel, la tuile émaillée bleue joue avec la lumière, conférant aux toitures une intensité graphique qui marque les silhouettes urbaines. L’architecture chinoise, attentive à l’équilibre entre l’homme et l’environnement, privilégie le bleu pour évoquer le ciel, la sérénité et la continuité des usages. Préserver cette tradition, c’est maintenir un dialogue entre codes anciens et aspirations contemporaines.
Les toits, miroirs des sociétés : statut, coutumes et organisation sociale
Les toitures bleues dessinent un maillage social et culturel, des grandes métropoles impériales du nord de la Chine jusqu’aux villages du Yunnan ou du Sichuan. Au fil du temps, la couleur, la matière et la silhouette du toit racontent le statut de la demeure et la position de ses habitants au sein de l’organisation sociale. Palais impériaux, demeures de hauts fonctionnaires, maisons traditionnelles des Mandchous ou des minorités Baï, Miao, Naxi, Yi et Jingpo : chaque type d’habitat exprime une identité propre.
La Fête des Lanternes, du bassin du Tarim à Pékin ou Taïwan, s’invite jusque sur les toits. Chaque région cultive ses variantes, révélant la diversité des coutumes locales et la richesse du tissu ethnique chinois. Lanternes suspendues, décors émaillés, tuiles vernissées : les toitures deviennent le théâtre de rituels, de rencontres, de fêtes. Les Mandchous privilégient certaines teintes et volumes, tandis que les Miao ou les Naxi intègrent leurs motifs propres, signes d’une identité revendiquée.
Voici quelques aspects qui caractérisent ces usages autour des toitures :
- Hiérarchie : plus une toiture est décorée ou colorée, plus son propriétaire occupe un rang social élevé.
- Transmission : chaque groupe perpétue ses traditions via la forme des toits, les ornements, les usages au fil des saisons.
- Adaptation : dans les régions exposées aux séismes, l’architecture s’oriente vers la souplesse et la légèreté, sans renoncer à la couleur.
La maison se définit toujours par son toit, véritable pivot d’une vie communautaire, témoin des alliances, des festivités, des étapes de l’existence. Les toitures bleues portent, à leur façon, le récit d’une société qui ne cesse de se transformer, combinant enracinement et mouvement.
Jardins, nature et architecture : l’influence des paysages sur la culture et la peinture chinoises
Depuis des siècles, le paysage imprègne l’architecture chinoise. L’art du jardin, tout comme la composition des toitures bleues, découle d’une volonté de dialogue avec la nature, omniprésente dans la peinture classique et les poèmes célèbres. Les tuiles vernissées reflètent le ciel, prolongent le vert du bambou, s’accordent à la tranquillité des lotus et des plans d’eau. Ici, pas d’ostentation : l’objectif est de s’intégrer, d’honorer l’équilibre entre la construction et son environnement.
La Fête des Lanternes, célébrée de la vallée du Yangzi à Pékin et jusque dans les quartiers chinois de San Francisco, recouvre lanternes, fresques et scènes de motifs inspirés du paysage. Les danses du dragon et du lion, les devinettes de lanternes, les installations éphémères nourrissent l’imaginaire des artistes et des artisans. Les timbres commémoratifs et les expositions du musée national du Palais témoignent de cette fascination. Les jardins chinois, protégés au patrimoine mondial de l’UNESCO, poursuivent la même ambition : façonner une nature idéale, harmonieuse et pleine de sens.
Voici ce que l’on retrouve à travers la poésie et l’architecture liées aux toitures bleues :
- La poésie met en avant l’union des toits et des paysages dans les chants folkloriques, les tableaux et les fêtes populaires.
- L’architecture, du simple pavillon au grand palais, s’efforce toujours de s’accorder au rythme de la nature alentour.
Les célébrations résonnent jusqu’aux antipodes : Singapour, Malaisie, Corée, États-Unis, où San Francisco accueille le plus grand défilé nocturne du festival. Le bleu des toits, la nature et la fête continuent d’inspirer, de relier les époques, de tisser des passerelles entre héritage et création d’aujourd’hui.